Matos de légende #11 – La pédale wah-wah

Apparu au milieu des années 60, la pédale wah-wah a traversé les époques et demeure encore aujourd’hui l’une des pédales les plus présentes sur les pedalboards des guitaristes de la planète. Jimi Hendrix, Eric Clapton, Slash, John Frusciante, Mathieu Chedid, Jack White, David Gilmour ou Tom Morello comptent parmi  la longue liste des adeptes de la wah-wah.

Avant l’invention de la célèbre pédale, la « wah-wah » était connue pour être le nom d’une sourdine en métal utilisée par les trompettistes ou trombonistes pour modifier le timbre de leur instrument. Dotée d’un trou central dans lequel coulisse un petit tube cylindrique, la sourdine permet de changer le son suivant la position du tube donnant un effet wah-wah. Un procédé beaucoup utilisé dans le Jazz, notamment dans la musique de Duke Ellington.

Les origines de la wah-wah

En 1964, les Beatles préparent leur première tournée aux États-Unis. Lors de leurs derniers concerts en Grande-Bretagne, les Beatles n’arrivaient plus à se faire entendre face à des fans qui hurlaient plus forts que leurs amplis Vox AC-30. Jennings Musical Instruments (JMI), la société détentrice de la marque Vox leur construit alors un ampli de 100 watts surnommé le «Super Beatle». Quelques semaines plus tard, le groupe de Liverpool et leurs nouveaux amplificateurs Vox AC-100 rencontrent un succès phénoménal lors de l’émission américaine du « Ed Sullivan Show » devant 73 millions de personnes. Très rapidement, JMI réalise qu’il serait judicieux de distribuer ses nouveaux amplis Vox sur le marché américain et cherche alors un distributeur. En août 1964, c’est une petite entreprise basée à Los Angeles appelée « Thomas Organ Company » qui est choisie. Initialement, JMI expédiait les amplis Vox à Thomas Organ, mais les coûts élevés d’importation des amplis Vox conduisent JMI à leur céder les droits de fabrication des produits Vox aux Etats-Unis.

En 1965, Thomas Organ demande à un jeune ingénieur, Brad Plunkett, de démonter un ampli Vox AC-100 et de trouver un moyen de le rendre moins cher à produire tout en conservant sa qualité sonore. Il porte alors son attention sur un commutateur installé sur tous les Vox AC-100 de l’époque et qui permettait de booster le signal. Plunkett réalise qu’il pourrait remplacer cet interrupteur cher (4 dollars l’unité) avec un potentiomètre meilleur marché (30 cents l’unité) et obtenir le même effet. Après quelques jours de bricolage avec des pièces de rechange, l’ingénieur américain conçoit un circuit qui permet de changer la fréquence des notes en tournant simplement un potentiomètre. Alors qu’il demande à un ami de tester l’ampli avec une guitare, il tourne le bouton du potentiomètre et produit alors l’effet wah-wah de manière totalement involontaire. Convaincu d’avoir fait là une découverte exceptionnelle mais conscient qu’il serait impossible pour un musicien de tourner le bouton tout en jouant, Plunkett bricole une pédale de volume pour y câbler le potentiomètre à l’intérieur avec une batterie de 9 volts. De cette façon, Plunkett réussit à contrôler la fluctuation de la hauteur avec son pied. C’est en Février 1967, que Thomas Organ commercialise la pédale wah-wah. Au début, l’appareil est vendu sous le nom de « Clyde McCoy », en hommage au trompettiste de jazz qui utilisait régulièrement une sourdine pour créer un effet wah-wah dans les années 1920. Mais après qu’un membre du marketing ait fait remarquer que la pédale ressemblait à un bébé qui pleurait, elle a été rebaptisée «Cry Baby». En raison des relations contractuelles de Thomas Organ avec Vox, deux pédales ont été mises sur le marché : l’une appelée « Vox Wah-Wah », et l’autre « Cry Baby », toutes deux avec des circuits identiques.

Une publicité pour la pédale wah-wah de Vox lors de sa sortie en 1967

Le principe de la wah-wah

La pédale wah-wha permet de faire varier la fréquence de coupure de l’instrument. Son filtre passe-bande accentue les fréquences et en fait ressortir ces sons si caractéristiques. Les variations de modulation du son sont réalisées grâce à l’action d’un potentiomètre commandé au pied, laissant ainsi les mains libres pour le musicien. L’enclenchement de l’effet se situe en règle générale sous la pédale, grâce à un switch dont l’activation et la désactivation nécessitent une coordination particulière et un peu de pratique. La wah-wah peut être utilisée avec une guitare, une basse, une trompette ou tout autre instrument électrifié.

Pour les guitaristes de rock, la wah-wah peut se placer avant ou après la distorsion en fonction de l’effet qu’on recherche. Placée avant la distorsion, on obtient un son vintage, reproduisant le placement de la wha-wha avant l’ampli seul. L’effet traite un signal clair apportant de la nuance et de la subtilité dans le jeu. Si on la place après la disto, le son est plus agressif, plus adapté pour une utilisation sur les solos de guitare.

L’intérieur d’une pédale Vox wah-wah v847

La wah-wah à travers les époques

La pédale wah-wah a été popularisée principalement par Jimi Hendrix. L’introduction de la chanson « Voodoo Child (Slight Return) » sortie en 1968 demeure la démonstration la plus célèbre de son utilisation dans le rock. Jimi Hendrix a été le premier à en tirer tout le potentiel en l’emmenant dans des univers jusque là inexplorés, étirant les sons comme du caoutchouc comme jamais avant lui. « Up From the Sky » (1967), « Little Miss Lover » (1967), et « Burning of the Midnight Lamp » (1968) en sont de bonnes illustrations.

Au fil des années, la pédale wah-wah a inlassablement franchit la barrière des genres et des générations. Eric Clapton dans sa période Cream ou Jimmy Page (Led Zeppelin) sur « Dazed And Confused » en était aussi de fervents adeptes. On est obligé de citer bien sûr Frank Zappa, qui l’utilisa avant Hendrix et qui poussa très loin l’usage de la wah-wah. Le titre « Willie the Pimp » paru en 1969 est le meilleur exemple de l’étendue des possibilités que peut offrir l’effet wah-wah. Miles Davis, qui vouait une fascination à Jimi Hendrix, au début des années 70, y branchait sa trompette mais aussi la basse et les claviers de son orchestre de Jazz. Les artistes funk, soul et R&B des années 70 s’emparent également de la wah-wah et l’utilisent alors d’une manière totalement différente en produisant une sorte de rythmique fluctuante.  On peut entendre cette utilisation particulière de la pédale dans  le thème du film « Shaft » (Isaac Hayes, 1971) ou dans les hits « Papa Was A Rollin ‘Stone » (The Temptations, 1972) et « Car Wash » (Rose Royce, 1975). Dans les années 80 et 90, Kirk Hammet (Metallica), Eddie Van Halen, Zakk Wylde, Steve Vaï, Joe Bonamassa ou Slash (Guns ‘N’ Roses) ont énormément utilisé la wah-wah dans leur composition et ont chacun eu droits à leur propre modèle de pédale wah-wah inspirée de leurs réglages. John Frusciante (Red Hot Chili Peppers), ou Tom Morello (Rage Against The Machine) savent aussi tirer toute la quintessence de cette pédale. Morello l’utilise par exemple pour imiter le son d’un scratch de vinyle.

La pédale wah-wah utilisée par Hendrix dans les années 60 était une Vox. Ces pédales chromées étaient le modèle phare dans les années 60. Puis dans les années 80, lorsque Vox connaît des difficultés et arrête la production avant d’être racheté par Korg, la société Jim Dunlop créé son propre modèle de wah-wah en réutilisant le nom « Cry Baby » que Vox n’avait jamais déposé. Cette nouvelle « CryBaby » reprend le même modèle de conception que la pédale Vox originale utilisée par Hendrix et devient progressivement la pédale pour guitare la plus vendue de tous les temps. Aujourd’hui on trouve de nombreuses pédales wah-wah qui ont leur propre personnalité : Vox, Jim Dunlop CryBaby, Morley, Ibanez…

On termine en musique avec la playlist spéciale wah-wah de Guitar Geek :

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